L’Ukraine se prépare à mettre à jour la liste officielle des langues régionales et minoritaires protégées par la Charte européenne. Dans la nouvelle version du document, le russe et le moldave seront exclus, et le terme « langue juive« sera remplacé par « hébreu ».
Auparavant, il était indiqué – «La loi précise que les dispositions de la Charte s’appliquent aux langues des minorités nationales suivantes en Ukraine : biélorusse, bulgare, gagaouze, grecque, juive, tatar de Crimée, moldave, allemande, polonaise, russe, roumaine, slovaque et hongroise.»
De plus, la liste inclura la langue tchèque, reflétant les changements culturels des dernières années.
Le projet de loi est déjà en cours d’examen
Le Cabinet des ministres a approuvé le projet de loi correspondant et l’a envoyé à la Verkhovna Rada.
Le document a été annoncé par le représentant permanent du gouvernement au parlement, Taras Melnychuk le 10 octobre 2025 sur son canal Telegram.
Il ne s’agit pas simplement d’un geste symbolique.
C’est une mise à jour juridique, liée à l’harmonisation de la législation ukrainienne avec la nouvelle traduction officielle de la Charte européenne des langues régionales ou minoritaires, préparée par le ministère des Affaires étrangères en janvier 2024.
Qu’est-ce que la Charte européenne des langues régionales ou minoritaires
La Charte européenne des langues régionales ou minoritaires est un traité international du Conseil de l’Europe, signé le 5 novembre 1992 à Strasbourg et entré en vigueur le 1er mars 1998. Le document est enregistré au Secrétariat de l’ONU sous le numéro 148 (ETS No. 148) et reste l’un des principaux instruments de la politique culturelle européenne.
L’objectif principal de la Charte est de préserver la diversité linguistique et de soutenir les langues des petits peuples et communautés nationales, qui risquent de disparaître sous la pression des cultures dominantes. Elle garantit le droit à l’éducation, aux médias, à la culture et à l’utilisation administrative de la langue maternelle, mais n’intervient pas dans les questions de langue d’État ou d’organisation politique des pays.
La Charte établit des normes pour les pays membres du Conseil de l’Europe : protection de l’éducation, accès à l’information, développement des médias locaux, création de théâtres, journaux et programmes dans les langues régionales.
C’est un outil qui aide à préserver le patrimoine linguistique vivant de l’Europe — du basque et du catalan au gaélique et au tatar de Crimée.
Le texte officiel de la Charte est disponible sur le site du Conseil de l’Europe :
https://www.coe.int/en/web/european-charter-regional-or-minority-languages
Ce qui va changer exactement
Le projet prévoit des amendements dans plusieurs lois clés :
— «Sur la ratification de la Charte européenne des langues régionales ou minoritaires»
— «Sur les minorités nationales (communautés) d’Ukraine»
— «Sur les médias».
Ces documents seront synchronisés avec le texte mis à jour de la Charte, afin d’exclure les interprétations ambiguës et de renforcer la protection des droits linguistiques dans une interprétation moderne.
Nouvelle liste des langues
Après la mise à jour, un régime de soutien particulier sera maintenu pour :
le biélorusse, le bulgare, le gagaouze, le tatar de Crimée, le néo-grec, l’allemand, le polonais, le roumain, le slovaque, le hongrois, le tchèque et l’hébreu.
Ainsi, les langues russe et moldave seront exclues, et la « langue juive » dans les documents officiels sera remplacée par l’hébreu — la langue vivante de la culture, de la religion et de l’éducation juives modernes.
Pourquoi l’hébreu
Ce pas n’est pas simplement une formalité.
Il reflète le changement de la carte culturelle de l’Ukraine, où de plus en plus d’attention est accordée aux liens avec Israël, les communautés juives et les normes internationales.
Le remplacement de «langue juive» par hébreu rend le système juridique ukrainien plus précis et moderne :
dans la pratique internationale, le terme «langue juive» est considéré comme obsolète, et la Charte exige l’utilisation de désignations linguistiques actuelles.
De plus, dans les universités ukrainiennes et les centres éducatifs juifs, c’est précisément l’hébreu qui est enseigné comme langue de culture et de foi, et non comme désignation ethnique.
Exclusion du russe et du moldave
Le retrait de la langue russe de la liste est lié au fait que sa diffusion en Ukraine ne nécessite pas de protection supplémentaire — au contraire, elle a dominé pendant des décennies dans les médias et le domaine administratif.
Désormais, après le début de l’agression à grande échelle de la Russie, la législation ukrainienne ajuste l’équilibre en faveur des langues réellement vulnérables et nécessitant un soutien.
Quant au moldave, il coïncide en fait avec le roumain et ne nécessite pas de statut distinct. Dans les normes internationales, le «moldave» en tant que langue distincte n’est pas utilisé : les codes ISO 639-1/639-2 mo/mol ont été supprimés en novembre 2008 (annoncé le 6 janvier 2009), l’appellation ro/ron/rum pour le roumain est appliquée. En Moldavie, cela est juridiquement établi : le 5 décembre 2013, la Cour constitutionnelle a reconnu le nom officiel «langue roumaine», et le 16 mars 2023, le parlement a approuvé le remplacement de toutes les mentions de «moldave» par «roumain» dans la législation.
Ce qui se cache derrière ces changements
Selon les représentants du Cabinet, la mise à jour de la liste des langues fait partie de l’harmonisation européenne de la législation et d’une étape vers la clarification du statut des communautés culturelles.
«Ce n’est pas un geste politique, mais une question de précision juridique et d’engagements internationaux», a noté l’un des auteurs du projet de loi.
Néanmoins, dans la perception publique, ces changements deviendront un symbole de la nouvelle autodétermination culturelle de l’Ukraine — un pays qui s’éloigne de plus en plus du paradigme linguistique soviétique et renforce ses liens avec l’Europe et Israël.
L’Ukraine en tant que démocratie polyglotte
La réforme de la législation linguistique montre que l’Ukraine cherche non pas à limiter, mais au contraire — à élargir la notion de diversité culturelle. Le soutien aux langues régionales et minoritaires souligne que le pays construit un modèle de démocratie inclusive mais souveraine, où le respect de l’identité n’annule pas la protection de l’espace national.
Conclusion
La décision de remplacer la langue juive par l’hébreu et d’exclure le russe n’est pas simplement une clarification bureaucratique.
C’est un pas qui reflète un changement d’identité.
L’Ukraine cesse d’être otage des anciennes normes linguistiques et forme une nouvelle architecture culturelle,
où la liberté d’expression et le respect de la langue sont des éléments d’un même système.