Une interview qui a révélé la mécanique de la diplomatie au Moyen-Orient
L’interview, publiée le 8 décembre 2025 dans le média ukrainien ua-news, est devenue l’une des rares où l’ambassadeur ukrainien en Israël, Evgeny Kornichuk, a ouvertement expliqué comment fonctionne en pratique la diplomatie au Moyen-Orient et pourquoi certaines décisions — de la réduction de la représentation à Ramallah aux tentatives d’ouvrir une antenne de l’ambassade ukrainienne à Jérusalem — sont liées au comportement de tiers, et pas seulement aux relations bilatérales entre l’Ukraine et Israël.
Kornichuk précise d’emblée que la diplomatie du Moyen-Orient «n’est pas linéaire». Il se souvient qu’au début de sa mission — avant la guerre du 7 octobre 2023 — la coopération entre l’Ukraine et Israël se développait sensiblement plus rapidement. Puis la situation a changé : les élites locales, selon l’ambassadeur, attendent des actions directes en retour.
Comment l’ambassadeur a «déplacé» les questions
Il donne un exemple concret : lorsque Israël ne voulait pas transmettre des casques de protection à l’Ukraine, expliquant qu’ils pouvaient «être utilisés comme des armes», l’ambassadeur a convoqué des journalistes, a mis un casque et a dit :
«Montrez-moi comment on peut tuer avec ça ? C’est une protection pour les militaires !»
Après cela, la question a avancé : la photo s’est répandue dans les médias locaux.
L’histoire de l’éclat du «Shahed» et la réaction d’Israël
La remise à Netanyahu d’un éclat du «Shahed» abattu a eu lieu peu après l’arrivée du nouveau gouvernement. Kornichuk l’a transmis par l’intermédiaire du chef du Conseil de sécurité d’Israël avec les mots :
«Si nous ne coopérons pas et ne cherchons pas des moyens de contrer cette menace, elle vous atteindra aussi».
Environ un an et demi plus tard, un drone similaire a frappé un centre d’entraînement à 60 km de Tel Aviv, blessant des militaires. Plus tard, une journaliste de la chaîne 12 a dit à l’ambassadeur :
«Vous êtes notre Moïse. Pourquoi notre gouvernement ne vous a-t-il pas écouté ?»
Comment la guerre du 7 octobre a changé la coopération
Après l’attaque du Hamas le 7 octobre 2023, Israël a temporairement gelé l’exportation de systèmes de défense aérienne : ses propres besoins ont fortement augmenté.
Kornichuk fournit des données :
— en deux semaines, environ 550 missiles balistiques ont été tirés sur Israël,
— contre environ 850 sur l’Ukraine de février 2022 à juin 2025.
Il note que la précision des missiles iraniens a augmenté, notamment grâce à l’aide russe. «Ce n’est pas simple ici», résume-t-il.
Pourquoi l’Ukraine a réduit sa représentation à Ramallah
Kornichuk explique cela par la situation de l’année dernière. En 2024, l’Ukraine a envoyé à Gaza 8 000 tonnes de céréales via l’ONU.
Il n’y a pas eu de réponse. Pas de remerciements non plus.
Le lendemain de la livraison, une délégation du Hamas s’est envolée pour Moscou.
Après cela, Kiev a réduit sa représentation à Ramallah à un seul diplomate.
Négociations sur les systèmes scolaires pour les abris anti-bombes
Malgré les difficultés, la coopération non militaire se poursuit.
L’Ukraine négocie l’obtention d’un système éducatif utilisé à Haïfa — une ville régulièrement bombardée par des roquettes depuis le Liban.
Il est prévu d’installer ces systèmes dans les écoles souterraines de Zaporijia et Kharkiv.
L’histoire de l’antenne de l’ambassade d’Ukraine à Jérusalem
Kornichuk rappelle : le travail sur ce projet a commencé fin 2021, après la déclaration de Volodymyr Zelensky lors d’une rencontre avec Benjamin Netanyahu.
Les locaux ont été trouvés, le ministère des Affaires étrangères a approuvé, mais la mise en œuvre a été reportée.
Israël, de son côté, devait ouvrir un département d’innovation et d’investissement — mais cette étape est également gelée.
Centre culturel ukrainien à Tel Aviv
Le centre a été ouvert après le début de la guerre à grande échelle, lors de la visite d’Olena Zelenska.
Les sponsors ont payé pour les rénovations.
Les premiers mois de la guerre, l’ambassadeur y rassemblait chaque semaine 15 à 18 caméras de télévision, expliquant à la presse israélienne la situation en Ukraine.
Le centre est devenu le noyau de l’union de la communauté :
— une Fédération des organisations pro-ukrainiennes d’Israël a été créée (plus de 30 structures),
— un ciné-club fonctionne,
— des concerts sont organisés au profit des forces armées ukrainiennes.
Monument à l’Holodomor et projet de parc au nom de Chevtchenko
Le 3 décembre, un monument à l’Holodomor a été inauguré à Jérusalem.
Cela a pris trois ans de travail.
Le monument a été financé par le Canadien James Temertey.
Actuellement, l’ambassadeur propose de nommer un parc de Tel Aviv du nom de Taras Chevtchenko. La fondation de la ville a proposé trois options, mais à condition que l’aménagement soit financé par l’Ukraine.
Kornichuk remarque : à Kiev, des dizaines de rues portent le nom de personnalités juives éminentes — et de telles conditions semblent étranges.
L’Ukraine, en réponse, est prête à envisager l’idée d’une rue en mémoire des victimes du 7 octobre 2023, mais seulement après l’apparition d’une rue Chevtchenko sans exigences supplémentaires.
Conclusion
Kornichuk souligne : «Nos peuples ont beaucoup en commun, mais la diplomatie au Moyen-Orient est une science complexe».
L’interview montre comment les décisions de Kiev sont liées à la dynamique régionale, à l’influence de l’Iran, aux actions de la Russie et à la logique de la politique israélienne. Le matériel révèle ce contexte et explique pourquoi l’Ukraine agit de cette manière.
Tout cela fait partie d’une conversation plus large sur l’avenir des relations ukraino-israéliennes, dont parle NAnews — Nouvelles d’Israël | Nikk.Agency.
